
Émilie : Bonjour Oxanna, merci à toi d’avoir accepté cette interview qui a dû changer de format entre temps 😉
Oxanna : Bonjour Émilie 😊
Émilie : Tout d’abord, présente-toi à nous (même si je sais que tu n’aimes pas ce travail)
Oxanna : J’écris depuis l’âge de douze ans, mais je ne suis publiée que depuis quelques années. Également passionnée par le monde équestre, j’en ai fait mon premier métier avant de m’orienter vers d’autres emplois assez diversifiés pour finalement en revenir à ma passion initiale qu’est l’écriture.
Émilie : Pour ta série Lebenstunnel, d’où t’est venue l’idée d’écrire un livre sur l’Allemagne Nazi ? Et pourquoi ?
Oxanna : Je suis captivée par tout ce qui touche à la période 39-45 depuis l’âge de quatorze ans. Pas la Seconde Guerre mondiale en elle-même, mais la Shoah. J’ai donc beaucoup lu à ce sujet et notamment le journal d’Anne Franck qui reste un trésor à mes yeux. Dernièrement, je me suis replongée dans cet univers et me suis remise à lire de nouveaux ouvrages sur les camps de concentration, sur le rôle des femmes durant la Seconde Guerre mondiale. Cela m’a fait repenser à l’époque où j’ai, comme beaucoup de collégiens, effectué des voyages en Allemagne chez ma correspondante avec qui je suis toujours en contact. Je me souviens de ses grands-parents qui me détestaient cordialement parce que j’étais française et refusaient de me rencontrer. À l’époque, j’avais trouvé cela particulièrement injuste de devoir « payer » en quelque sorte pour les haines entre peuple alors que je n’y étais pour rien. Je n’avais que douze ans, je n’étais même pas capable de comprendre pourquoi ces gens me rejetaient d’emblée. Avec l’âge, je continue à trouver cela injuste. Et en ayant l’esprit plus ouvert, même en ayant mon cœur résolument tourné vers les victimes de la Shoah, je me suis demandé comment les adolescents du côté « dit » ennemi avaient vécu cette guerre parce que je pense que le monde n’est pas tout noir ou tout blanc. Que parmi les Allemands, il n’y avait pas que des « SS » méchants, tout comme il n’y avait pas que des gentils parmi les victimes. Voilà comment j’ai décidé de faire naître Krista au travers de Lebenstunnel. Ça n’a pas toujours été facile d’entrer dans sa peau pour moi qui suis proche de cœur de gens comme Anne Franck. Parfois, j’ai eu du mal à la comprendre, à l’aimer même.
Émilie : Tu as du donc faire un travail de recherche pour l’écrire, combien de temps cela t’a pris ?
Oxanna : Je ne saurais pas le dire parce que je lisais et consultais déjà beaucoup de livres et sites sur le sujet depuis un moment avant que naisse Lebenstunnel. Je ne l’ai pas vraiment vu comme une période de recherches, tout du moins, c’était plus pour mon enrichissement personnel. Maintenant, j’ai tout de même effectivement fait des recherches plus approfondies sur Germania et comment Hitler et Albert Speer, l’architecte devant la bâtir, envisageaient de situer les bâtiments. Et ensuite des recherches sur la technologie concevable compte tenu de la période à laquelle je voulais placer mon histoire (à savoir 200 ans après la Seconde guerre mondiale).
Émilie : Je suppose donc que tu as lu le roman d’Hitler, Mein Kampf (Mon combat) ? Parce que son ambition concernait l’architecture et son empire qui devait durer 1 000 ans.
Oxanna : Eh bien non, je n’ai pas lu Mein Kampf. J’ai bien essayé, mais vraiment, ce n’est pas le genre d’ouvrage qui est facile et tentant à lire. D’autant que pour trouver ce qui se rapporte à ce Reich devant durer 1000 ans, c’est de notoriété publique. Quant à l’architecture de Germania, j’ai acheté des livres, compulsé des documents et je connaissais déjà Albert Speer et sa collaboration avec le Führer. Il existe même une maquette de Germania telle qu’elle aurait dû être. Elle se trouve actuellement à Berlin.
Emilie : Tu n’as vraiment pas centré ton roman sur des sujets historiques ou une volonté historique ?
Oxanna : Non, je ne souhaitais pas faire de Lebenstunnel un roman historique. Tout d’abord parce que je pars du principe que pour faire d’une histoire, un roman historique, il faut être calé si l’on ne veut pas se faire épingler par les lecteurs à la moindre erreur de date ou de lieu. Je ne le suis pas assez pour me le permettre. Ensuite, je désirais plus que tout offrir aux lecteurs un roman qui ne soit pas prise de tête, quelque chose qui leur permette de s’évader et d’entrer dans l’histoire sans s’encombrer de détails historiques du passé alors que mon histoire se tient dans le futur.
Emilie : Ce qui est étonnant, c’est que France Loisirs a pris la décision donc de sortir la trilogie alors que déjà un quatrième tome était sur le point de sortir chez Rebelle éditions ou est parue la série. Est-ce que c’est ta volonté d’écrire un quatrième tome ou ce sont tes lecteurs/abonnés qui l’ont « demandé » ?
Oxanna : Il faut savoir que lorsque j’ai écrit le tome 4, je n’étais pas au courant que France loisirs allait reprendre la trilogie de Lebenstunnel (puisque, initialement, nous sommes bien d’accord, il s’agit effectivement d’une trilogie). Seulement voilà avant que j’aie cette chance de paraître chez France-loisirs que je ne remercierai jamais assez de m’avoir donné cette superbe opportunité, j’ai eu de nombreux retours de lecteurs qui me réclamaient une suite au tome 3 parce qu’ils avaient envie de rester dans l’univers de la série. Si au départ, je n’étais pas chaude, j’ai finalement cédé et voulu leur faire plaisir en leur offrant un ultime tome qui devait donc être considéré comme un hors-série et devait d’ailleurs même initialement porter le nom de TOTALER KRIEG (guerre totale) pour se démarquer (mais dans la mesure où l’histoire n’était pas vraiment un spin off, mais une suite directe, ce nom a été abandonné). Les gens n’avaient aucune obligation de le lire, le tome 3 terminant la trilogie sans souci. Mais c’est une continuité pour ceux qui ont encore envie de suivre Krista un bout de chemin. La sortie du tome 4 hors-série a coïncidé avec celle de l’intégral de France-loisirs. Pour le coup, peut-être pourrions-nous dire que ce tome 4 fait partie d’un autre cycle de la série, je ne sais pas trop. Tout cela est un peu compliqué. Disons que Lebenstunnel, c’est 3 + 1 😊
Emilie : Ça t’est venu de quoi d’écrire un livre sur un sujet détourné comme celui-ci ?
Oxanna : J’aime les sujets qui sortent un peu des sentiers battus, ça peut-être un problème parce qu’on n’est jamais certains de tomber dans les sujets qui sont dans l’air du temps, mais je n’aime pas suivre les modes et jouer les moutons de Panurge. Il existe beaucoup de livres sur le nazisme, et, à chaque fois, l’on ne regarde toujours que du côté des victimes alors que des victimes, il y en a eu aussi du côté des « dits » coupables pendant la Seconde Guerre mondiale (comme dans chaque conflit). Je trouve dommage qu’on ne voie que le noir et le blanc dans le monde alors qu’il est constitué de multiples couches de gris. C’est important de regarder des deux côtés du miroir avant de pouvoir se permettre d’émettre un jugement.
Emilie : Quand j’ai commencé à lire Lebenstunnel et comme je l’ai mentionné dans les premières lignes de ma critique, la première question qui m’en venu c’est « Et si Hitler et l’Allemagne Nazi avaient gagné ? ». Est-ce que tu t’es posé cette question ?
Oxanna : Oui, bien sûr. C’est la question de base qu’on se pose quand on écrit une uchronie. D’ailleurs pour anecdote, initialement, Lebenstunnel portait le titre provisoire de « Et si… »
Emilie : D’où vient le nom en lui-même de Lebenstunnel ?
Oxanna : Dans mes lectures sur le nazisme, je m’intéressais beaucoup (et toujours) aux Lebensborn, les maternités de l’époque où l’on faisait naître les enfants purement aryens qui devaient composer la future nation parfaite imaginée par Hitler (et auxquelles je fais référence dans Lebenstunnel). La traduction de Lebensborn signifie « Fontaine de vie ». Mon histoire se déroulant pour partie dans les égouts de Germania et voulant absolument un titre allemand pour mon roman sur le même modèle que Lebensborn, j’ai trouvé Lebenstunnel qui signifie « Tunnel de vie ».
Emilie : Tu as écrit une autre série donc Go to Hell un genre littéraire très différent, de l’Urban fantasy une forme de fantastique. D’où t’est venue cette envie d’écrire cette série ?
Oxanna : Je suis une grande fan de la série Supernatural, je cherchais des livres qui soient dans le même univers de cette série. N’en trouvant aucun, j’ai décidé d’écrire quelque chose que j’aurais envie de lire. Et c’est ainsi que Cassie, l’héroïne de la saga a vu le jour. Puis s’y sont ajoutés les frères Leghert.
Emilie : Tu as écrit aussi d’autres genres littéraires, plus vers de l’horreur chez Rebelles. Et là tu vas avoir une nouvelle série De larmes et de Cendres tome 1 : Paulownia, peux-tu nous en dire plus ?
Oxanna : Paulownia est une dystopie qui sortira officiellement en juin 2020 aux éditions Plume Blanche. Le roman sera également en avant-première au salon de Mons en novembre 2019. L’histoire raconte le cheminement d’une jeune femme dans un univers assez cloisonné qui pourrait s’apparenter à la Corée du Nord dans le contexte politique. Paulownia va découvrir certaines choses en rapport avec son environnement et sa vie va en être totalement chamboulée. On y retrouve un peu les éléments de Lebenstunnel, à savoir ce qui fait le pouvoir de la manipulation, la dictature, le rejet.
Emilie : Pourquoi en 2 tomes pour celle-ci au lieu de 4 comme pour les 2 précédentes ?
Oxanna : C’est une demande de l’éditrice d’essayer de caler l’histoire sur deux tomes plutôt que 3 ou 4. C’est une bonne chose aussi, car cela me permet de voir si je serai un jour capable d’écrire un one shot, ce qui n’est pas gagné.
Emilie : Tu parlais de la Corée du Nord, est-ce que tu as utilisé une actualité ?
Oxanna : La Corée du Nord a une actualité que je ne souhaite pas réellement exploiter, d’une part, parce que Paulownia vit dans un autre moment, un peu entre passé et futur. J’ai pris pour modèle la Corée du Nord pour son ambiance générale, mais tout comme pour Lebenstunnel, je ne veux pas entrer dans les détails historiques ou politiques au risque de noyer le lecteur. Mon choix est de rester axée sur mes personnages et leur histoire personnelle.
Emilie : À la différence de Lebenstunnel où tu allais dans le futur, là tu retournes en arrière dans le passé ?
Oxanna : Oui et non, comme je le disais un peu plus haut, Paulownia se situe dans un entre-deux. Elle vit à une époque qui pourrait s’apparenter à la nôtre, mais les pays qui entourent le sien sont nettement plus avancés technologiquement. C’est un choix de ma part de faire qu’il existe cette scission entre ces pays.
Emilie : Le premier sort en juin 2020, le 2 plus tard, mais tu as, je suppose d’autres projets. Tu peux nous en dire plus ?
Oxanna : Le 2 est prévu en 2021. Je travaille sur une nouvelle dystopie qui est un domaine où je me plais vraiment pour le moment. Cette histoire, aussi située dans le futur, aura pour arrière-plan une Terre dont les gouvernements régissent leurs populations selon des règles strictes en rapport avec une découverte qui a modifié le cours des choses de façon drastique. Une dystopie en gros. Je meure d’envie d’en dire plus, car c’est un projet très excitant, mais je ne dois pas, c’est mal ^_^ 😊
Emilie : Tu envisages d’écrire sur tous genre littéraire ?
Oxanna : Peut-être pas tous, mais je ne me mets pas de barrière. Pour l’instant, je me sens vraiment bien dans le domaine jeunesse, toutefois, si j’éprouve le désir de sortir de ma zone de confort du jour au lendemain, je le ferai sans souci comme je l’ai déjà fait.
Emilie : Les salons littéraires commencent à revenir, peux-tu nous donner les dates ?
Oxanna : Je serai présente au salon Polar & Imaginaire de Bellac (87) le 12 octobre prochain puis au salon de Mons, en Belgique les 16 et 17 novembre.
Emilie : Bon projet à toi et puis bonne continuation à toi pour l’avenir !
Oxanna : Merci beaucoup pour cette interview !